Anne-Julie Dudemaine
Interview et photographie / Catherine Bernier
Pendant sa résidence aux Parcelles à Seaforth, en Nouvelle-Écosse, l'artiste montréalaise Anne-Julie Dudemaine a renoué avec la joie pure de la création. Illustratrice et muraliste autodidacte, Anne-Julie mêle nostalgie, couleurs vibrantes et poésie du quotidien. Elle travaille à la fois avec des supports numériques et traditionnels, et embrasse la beauté des imperfections qui, selon elle, ajoutent de la profondeur et de l'authenticité à son art.
Lorsque je suis arrivée à la cabane, le soleil de septembre venait de se lever et Anne-Julie était déjà perdue dans son carnet de croquis, le jazz flottant doucement dans la pièce. Plus tard, nous nous sommes promenées sur la plage, là où elle se sent le plus en paix, recueillant les petits trésors qui font naître ses illustrations. Nous avons discuté un moment, avec le bruit des vagues en arrière-plan.
Comment votre parcours ou votre histoire personnelle influencent-ils votre travail ?
Ma formation dans la mode a influencé mon approche : je suis naturellement attirée par les motifs et les répétitions. La mode m'a appris à me concentrer sur la composition et l'équilibre.
D'un point de vue plus personnel, je suis profondément nostalgique. Si je le pouvais, je vivrais dans une maison rétro intacte, entourée de la chaleur et du charme de cette époque. J'essaie de transposer ce sentiment dans mon art, pas seulement pour embellir les choses, mais pour créer quelque chose qui semble lié au passé, tout en étant frais et joyeux.
Quelles étaient vos intentions pour cette résidence et comment s'est-elle déroulée ?
Lorsque j'ai réservé la résidence, je voulais me donner le temps et l'espace mental nécessaires pour expérimenter et explorer loin des exigences quotidiennes. Je ne me suis pas fixé d'objectifs précis, je ne voulais pas me sentir sous pression. Je voulais aussi me reposer, m'éloigner de l'ordinateur et apaiser mon système nerveux après une année très chargée.
L'expérience a été à la hauteur de mes espérances. J'ai rapidement adopté un rythme plus lent et je me suis sentie chez moi. L'envie de dessiner était irrésistible et j'avais souvent du mal à m'arrêter. Entourée de tant de beauté, j'ai ressenti le besoin de capturer la lumière et les couleurs, d'immortaliser les moments qui m'ont émue chaque jour.
Pouvez-vous nous décrire une journée type aux Parcelles ?
Je me réveillais tôt, mettais de l'eau pour le café et allumais un feu dans le poêle à bois - même s'il ne faisait pas si froid - tout en écoutant le Bill Evans Trio. Je m'asseyais à la table, regardais l'océan, sirotais mon café et regardais les chiens jouer sur la plage. Bientôt, je m'absorbais dans mon carnet de croquis jusqu'à ce qu'une raideur de la nuque me rappelle qu'il était temps d'aller marcher le long du rivage.
L'après-midi, je partais à la découverte - parfois de Peggy's Cove - pour reposer mon corps tout en nourrissant mes yeux de nouveaux paysages. De retour à la cabane, je me plongeais à nouveau dans la création jusqu'à la tombée de la nuit. Les soirées se terminaient tranquillement par une tisane et un autre feu.
Comment le paysage et le rythme de Seaforth ont-ils influencé votre travail ?
Le premier jour, le silence m'a déstabilisée. Venant du rythme rapide de Montréal - courriels, appels, bruit constant - je ne savais presque pas quoi faire. Au début, j'ai mis de la musique pour combler le silence, mais j'ai fini par l'accepter. J'ai trouvé la paix, et ce changement se reflète dans mon travail.
Je dessine rarement sans but, mais le fait d'être ici m'a rappelé la joie de dessiner simplement pour le plaisir, d'explorer juste parce que.
Je dessine rarement sans but, mais le fait d'être ici m'a rappelé la joie de dessiner simplement pour le plaisir, d'explorer juste parce que.
- Anne-Julie
Avez-vous expérimenté de nouvelles techniques ou de nouveaux supports ?
J'ai combiné des pastels à l'huile, des crayons de couleur et des marqueurs à base d'eau. Ce sont des matériaux que j'ai déjà utilisés séparément, mais jamais ensemble de manière aussi ciblée.
Qu'est-ce qui vous a le plus interpellé pendant la résidence ?
Se souvenir de prendre des repas corrects ! J'étais souvent tellement absorbée par mon travail que j'oubliais. Un autre défi a été d'adopter de nouvelles techniques et d'accepter de ne pas les maîtriser tout de suite.
Cette résidence a-t-elle changé quelque chose dans la façon dont vous envisagez votre propre pratique ou vos projets futurs ?
Cela m'a rappelé l'importance de prendre le temps de créer sans but précis. Cela m'a également donné envie de travailler davantage avec des médiums traditionnels et pratiques. Depuis, j'ai peint davantage cette année et j'ai même commencé à explorer la céramique. J'ai renoué avec l'art, non seulement en tant que profession, mais aussi en tant que passe-temps.
Quel est le petit souvenir personnel de votre séjour ici que vous rapporterez chez vous ou le moment que vous n'oublierez jamais ?
J'ai vraiment apprécié le temps que j'ai passé à marcher sur la plage, à ramasser des coquilles de crabe colorées en chemin et à prendre le temps de réfléchir à ma journée. Je n'oublierai jamais les sons et les odeurs de la mer, la beauté de la lumière et de tout ce qui m'entoure.
Suivez Anne-Julie Dudemaine / @annejulie_dudemaine
Portraits par Catherine Bernier / @cath.be